mercredi 3 novembre 2010

INTERPELLATION










INTERPELLATION





Que savez-vous de nous ?
Gens de transhumances qui, chez nous, avez dressé toiture
Que savez-vous de notre clan et de ses coutumes ?

Aux rythmes du calendrier des marées
Vous ouvrez vos persiennes et vos paupières
Aux jours d’équinoxe et de syzygie

Nous sommes gens de toutes saisons
Nous voyons venir les grands vols des vanneaux huppés
Et partir les bernaches cravants

Nous sommes ceux qui remâchent leurs mots
Au pied du phare
Avec leurs souvenirs …














AUTOMNE

LA SAURINE

Louanges et célébrations
Toutes grâces rendues
Et sacrifice pour le rite
Un taureau noir à l’autel de Pomone
Du sang sur tout bourgeon de salicorne
Et sang aux miroirs du ciel comme draps étendus
Draps de lavandières
Y passent oiseaux et nuages
Franges de genestrolle et de curcumine
Par flaques ou par semis étoilés
Fleur de soufre à mécher le tonneau des vendanges


Chyle suspect aux anciens marais salants
Odeur femelle de l’argile bleue
Plumetis, panaches des roseaux dans les étiers
Un pré soigneusement étrillé, peigné
Toison rase finement crêpée, couleur de noisette
Prêt à recevoir le grain


Flûte d’un courlis sur deux tons, l’un bref, l’autre prolongé
Le tremble laisse frémir son feuillage argenté comme sequins de Bohème
Tamaris vert- bouteille, mais, sur une branche on distingue encore une buée d’un vieux rose
Ah ! D’où me vient cette chanson douce ?
Cliquetis de crémaillère à la varaigne
Lent et régulier


Silencieuse, la nage du myocastor à l’aigu de son angle





Ample robe plissée, de brocart brodé d’or
Cachemires et soies
Couronnes
Dents-de-lion comme florins de Hollande éparpillés
Et l’écharpe d’hermine flotte sur l’horizon violet
Longues méditations de l’aigrette garzette et du héron cendré
Deux cygnes vannaient à grands coups d’ailes sifflantes, vannaient le vent
Vannaient l’espace et le temps

Ah ! Qui oublierait le goût du fenouil sur la langue ?

















LA GRAND’ PLAGE

Nous avions telle envie d’une longue marche sur la plage
Courbe douce d’une hanche
Sans un rocher
Un grand pin mort tend ses moignons écorcés
Dunes éboulées
Les coupons de soie, l’un après l’autre, se déroulent
Brisant à grand fracas sur la grève
Le désir surgit alors vers le Nord
Le vent nous y poussait


Le vent, le vent et le goût du sel sur nos lèvres
Trio de mouettes emportées
Chiffonnées
L’une d’elles eut un cri désespéré
Le sable avait séché et s’était soulevé
Nous allions, chose étrange
Sur un sol dur invisible à nos yeux
Nos jambes traversant un tapis volant plus rapide que nous
De cristaux, qui criblaient nos mollets



Un buisson nous courut après
Buisson d’épinette ou de prunellier
Roulant, bondissant
Pressé
Filant, lui aussi vers le Nord
La marée devait monter
Dans un bouillonnement de lumière
L’océan nous jetait à la figure
Ses flocons d’écume


Un chalutier ahanait vers le port
Vers le Nord












L’ÉTÉ


Plus vives nos plages aux entractes du théâtre d’ombres
Plus longues farandoles sur le sable et sur la mer
Plus serrés les cortèges sur les routes et sur les chemins
Des oripeaux montent aux mâts
La marée étale ses colifichets
Les demi-dieux descendent sur la terre
J’y consens de bonne grâce
Mais qu’on me laisse ma place sur le banc du quai
D’où je regarde les bateaux sortir et entrer

















Le piano sur la plage

Plage
Plage longue
Éblouie de lumière
Un piano ...
Il avait abattu ses voiles et son mât

Longue longue longue plage
Sable clair
Un ruban rouge mince
de goémons mouillés
Galbe de l’épaule
Ou du creux des reins
Et le piano ...

La mer froissait ses coupons de soie

Langue d’océan douce douce
Pas un rocher
Chevelures des vagues bouclées




Et le piano
Le piano chanta sur la plage
Le piano chanta
Les mouettes rieuses
rieuses rieuses
Les oiseaux fusaient
En gerbes
En bouquets
Claquements d’étendards

Murmures sur le sable
Chansons des flots

Ricochets
Reflets de jades opales
améthystes et saphirs

Jubilation du piano sur la plage
Plage longue longue douce
Courbe de l’épaule et du creux des reins
La mer froissait ses coupons de soie


Bécasseaux
guirlandes mouvantes
farandoles de joie

Et le piano ...
D’où venu ?

... Je l’ai vu se poser sur le sable
C’était l’aurore
Il repliait ses ailes ...









HIVER


LES OIES SAUVAGES

Les oies sont apparues ce matin
D'un coup de baguette magique
Elles flottent sur l'eau
Comme une évidence

Tout un peuple étrange
Aux limites de l'estran
D'où venues par milliers
Sur l'aile du vent ?

Uniforme sombre, tête noire
Flancs rayés de gris et la culotte blanche
Elles se moquent superbement
Qu'on les dise bernaches ou cravants

Peuple étrange à nos frontières
Voix de gorge
Tout un peuple assemblé
Autre langage, autres manières

D'une vague à l'autre doucement ballotté
Sans insignes et sans grimoires
Ce peuple ne dit pas les noms de ses dieux
Il vit à nos marges
Depuis la nuit des temps

Peuple indifférent
Énigmatique
Peuple sans stèles
Sans traces et sans vestiges.












PRINTEMPS



Nous allions par les sentiers
Gloire des fleurs de moutarde sauvage
Une cane claudique sur le tasselier
Cinq petits canetons à la file
Résurrection des soleils et des saints
Plus de maudits sur la terre
La feuille de menthe entre les dents
Gloire aussi et encensement des grappes de fleurs d’acacias
Le miel des abeilles, Ah !


Passez, passez sous les yeuses sombres
Le feuillage est lavé
Tapis d’aiguilles des pins maritimes
Sables noirâtres fouillés par une laie et ses marcassins
La tourterelle roucoule
La mauviette tire-lire
Le geai tire un trait
Ah ! Le sifflement du vent dans les grands pins !
Et les cœurs qui battent au rythme de la mer !



Parlerons-nous des vignes ?
Aux banquets des vendangeurs, nul ne chante
Les fouloirs sont mécaniques
Cherchez les lambrusques dans les friches
Cueillez le jasmin au bord du chemin
Tel qui soupesait la grappe au soleil
A vu partir son fils et sa fille
Il attend l’été prochain
Pour voir ses petits-enfants



De vos aires plus vastes, nous ne savons que peu de choses
Mais que connaissez-vous de nos lentes couvaisons ?
L’œuf d’or du pluvier …

vendredi 1 octobre 2010

AS - TU PARFOIS ? ...












As-tu parfois posé un doigt là où l’on sent
Battre la vie
La vie qui passe

La vie

As-tu entendu couler
Doucement
Couler l’eau

samedi 11 septembre 2010

IL N'Y A PLUS D'APRÈS ...





















Le désir ne nous faillisse
Au long du chemin
Étoile haut levée vers le couchant


Mais si la foi venait à manquer
Si demain perdait son or
Ah !
Où musser notre visage ?


Les nôtres marchaient
Pour de plus grands lendemains
Sous la pluie battante
Cherchant le soleil


Os blanchis
Poussières
Il faut pourtant que tu marches
Abandon de la stèle


Si demain n’est plus
Alors, il n’y a jamais eu d’hier
Il ne te reste plus rien
Le myosotis est fané


Le 11 septembre 2010

mardi 17 août 2010

COMPTINE





















DRESDE
B 17
BOMBARDIERS
CENT TRENTE-CINQ MILLE MORTS


SIX AOÛT MILLE NEUF CENT QUARANTE-CINQ


B 29
QUATRE MILLE CINQ CENTS KILOGRAMMES
LITTLE BOY


NEUF AOÛT MILLE NEUF CENT QUARANTE-CINQ
B 29
CINQ TONNES
FATMAN


ENOLA GAY
ÉCLAIRS À SIX CENTS MÈTRES D’ALTITUDE
SIX MILLE DEGRÉS CENTIGRADES
SIX AOÛT MILLE NEUF CENT QUARANTE-CINQ
HUIT HEURES QUINZE DU MATIN
B 29 SUPERFORTERESSE


BOCKSCAR
CINQ CENTS MÈTRES D’ALTITUDE
SIX MILLE DEGRÉS CENTIGRADES
NEUF AOÛT MILLE NEUF CENT QUARANTE-CINQ
ONZE HEURES ET DEUX MINUTES
B 29


HIROSHIMA
DÉSINTÉGRÉE
DANS UN RAYON DE TROIS KILOMÈTRES


NAGASAKI
À QUATRE KILOMÈTRES DE LÀ S’ENFLAMMENT LES NAVIRES
LE SOUFFLE DE LA BOMBE SE PROPAGE À MILLE KILOMÈTRES À L’HEURE














HIROSHIMA
SOIXANTE-DEUX MILLE BÂTIMENTS DÉTRUITS
VINGT-CINQ MILLE MORTS
OU SOIXANTE-DIX MILLE
QUI SAURA ?
NAGASAKI
DEUX MILLE MAISONS SOUFFLÉES
SOIXANTE- QUINZE MILLE MORTS
OU VINGT MILLE
QUI LES COMPTERA ?
DRESDE
TRENTE-CINQ MILLE MORTS
À L’HEURE DE COUCHER LES ENFANTS
OU TROIS CENT CINQUANTE MILLE
QUI LES DÉNOMBRERA ?






B 17
B 29
B 29
BOMBARDIERS LANCASTER


1937
Nankin
DEUX CENT MILLE


1945
CENDRES SOUS LES FOURS
SIX MILLIONS ?


1979
KANPUCHEA DÉMOCRATIQUE
UN MILLION ET DEMI


Ô MA BIEN AIMÉE !
VOICI QU’UN PETIT ENFANT NOUS EST NÉ…